cerveau


Anne-Lise POLO

Neurothérapeute


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La neurothérapie : Comment?

On a longtemps considéré que les déficiences neurologiques étaient irréversibles. La neurothérapie repose au contraire sur le fait que le cerveau est l’organe par excellence de l’adaptation et de la transformation, notamment parce qu’il est l’organe maître des apprentissages, ensuite parce que la plasticité cérébrale est une réalité à tout âge.

« L'organisme, sur ordre du cerveau, possède en lui de quoi corriger tous les désordres possibles (...). Ces capacités de défense et de régénération sont, pour le moment, quasi inexploitées. »

Dans des conditions normales, le système nerveux central joue son rôle de régulation et de coordination entre l’individu et son environnement. S’il ne le fait pas, c’est parce que l’information ne se rend pas ou qu’elle est mal interprétée, de ce fait, elle entraîne une réponse inappropriée, dysfonctionnelle ou pathologique. La rééducation cérébrale vise à remplacer un fonctionnement cérébral atypique, par un autre. Elle suppose donc la création d’une voie neurologique alternative à celle qui existe déjà ou à faciliter son établissement quand ce chemin ne se fait pas.

Dans leur ensemble, les approches thérapeutiques conventionnelles se limite au cerveau et le rééduque en utilisant la conscience et la volonté du patient pour « corriger » ses dysfonctionnements neurologiques, c’est-à-dire en passant presque exclusivement par le lobe frontal. Les publications récentes sur la plasticité cérébrale tendent à montrer que les résultats les plus probants de rééducation passent au contraire par la stimulation des zones sous-jacentes aux deux hémisphères cérébraux : tronc cérébral, diencéphale et système limbique. Le développement des neurosciences a également permis de mieux comprendre les « états » du cerveau, de les relier à des ondes cérébrales (delta, thêta, alpha, bêta, gamma) et a mis en lumière le jeu des hormones pour favoriser les apprentissages intellectuels (dopamine, sérotonine) ou les apprentissages physiques (adrénaline, cortisol).

Pour être efficace, la rééducation doit respecter les mécanismes naturels de stimulation cérébrale. Le Système nerveux central se construit sur la base d’informations en provenance du système nerveux périphérique. Les informations passent par les nerfs sensoriels qui apportent les informations au tronc cérébral. Seules deux paires de nerfs crâniens échappent à cette règle : le nerf olfactif et le nerf visuel qui entrent tout deux directement dans le lobe frontal. Tous les autres, les 10 autres paires de nerfs crâniens et les 31 paires de nerfs spinaux conduisent les informations au centre du cerveau, dans le tronc cérébral.

L’intégration de l’information est toujours multisensorielle et les réponses motrices du corps aux stimuli de l’environnement dépendent des sens organiques de l’exteroception (vision, audition, odorat, touché, goût) de la proprioception. Elle passe aussi par l’interoception, c’est-à-dire les sensations internes, viscérales.

Ainsi, pour rééduquer le Système nerveux central, il faut faire une évaluation approfondie du fonctionnement du système nerveux périphérique.

1) L’intégration du mouvement

"Je bouge, donc je suis."
Rodolpho Llinas

L’un des plus célèbres chercheurs en neuroscience actuels, affirme que le développement de notre système nerveux est le résultat du besoin de se mouvoir : « thinking may be nothing else but internalized movement. So thinking is a premotor act. And therefore we are fundamentally moving animals that move intelligently. The more intelligent our movement, the more intelligent we are as animals. »

Les étapes du développement sensori-moteur de nos bébés constituent les bases fondamentales sur lesquelles le développement cérébral repose, la bonne intégration des réflexes moteurs est la condition sine qua non d’un bon développement. À l’opposé, si un jeune enfant construit son développement sur des schémas anormaux (troubles sensoriels, patrons moteurs dysfonctionnels, postures inadéquates), il se retrouvera dans des impasses dans son développement moteur, mais aussi risquera de développer des dysfonctionnements dans d’autres sphères (retard de développement, troubles d’apprentissage, problèmes de communication, de socialisation, neuropsychiques, comportementaux etc…).

La rééducation repose sur la possibilité de faire ou refaire des connections neurologiques là où elles doivent être et comme elles devraient être alors qu’un réflexe dysfonctionnel fonde une voie neurologique inadéquate, inefficace. L’approche thérapeutique vise à stimuler le système nerveux central et à le rééduquer en remplaçant des schémas moteurs dysfonctionnels ou pathologiques par des schémas normaux, des circuits neurologiques inadéquats par des réseaux synaptiques efficaces et corrects.

L’un des principaux outils de la rééducation est l’intégration des réflexes infantiles et des réflexes de protection.

2) L’harmonisation organique

Le système nerveux périphérique comporte une deuxième voie qui n’est que rarement traitée en rééducation : il s’agit du système nerveux autonome. Or la base d’un bon développement et d’un bon fonctionnement du système nerveux central passe par la régulation des fonctions organiques. Il faut trois conditions majeures pour que notre cerveau aille bien : la respiration, l’alimentation et le sommeil.

Beaucoup de troubles neurologiques s’accompagnent de troubles du sommeil et de troubles digestifs, et, cela passe trop souvent inaperçu, par des dysfonctionnements dans les rythmes respiratoire et cardiaque.

Un neurologue britannique a utilisé la métaphore du feu de circulation pour décrire les 3 états du cerveau :

Une situation de danger active le feu rouge : le corps se fige, la respiration se suspend, le rythme cardiaque ralentit, tous les mécanismes physiologiques se bloquent. C’est un mécanisme puissant de survie qui active le réflexe de paralysie par la peur. Dans la plupart des syndromes post-traumatiques, ce réflexe est dysfonctionnel et crée des blocages et des dysfonctionnements organiques importants. Chez les enfants atteints de paralysie cérébrale, ce mécanisme est souvent suractivé.

Une situation inconnue, potentiellement dangereuse, active le feu orange. Le système sympathique prépare le corps à fuir ou à se battre. C’est le feu orange. Le système nerveux est en extrême vigilance : sens à l’affut, les hormones de stress (adrénaline et cortisol) sont produites pour activer le système musculo-squelettique, accélération des battements cardiaques et du rythme respiratoire, blocage des fonctions digestives. La plupart des enfants hyperactifs sont dans cet état de façon quasi permanente.

Dans une situation de sécurité, le système parasympathique s’active, c’est le feu vert. La respiration et le rythme cardiaque sont lents, les fonctions digestives sont stimulées, les muscles squelettiques sont au repos et l’attention se concentre sur les fonctions cognitives, les hormones d’apprentissage (dopamine et sérotonine) sont produites favorisant la concentration et la mémoire. C’est l’état dans lequel on aimerait voir tous les enfants à l’école…

L’un des principaux apports de ma méthode de rééducation repose sur l’harmonisation physiologique, la rééducation des fonctions respiratoires et digestives, et la régulation du sommeil. Le bon fonctionnement du nerf vague qui régule le passage du système de l’état sympathique à parasympathique et réciproquement est indispensable à un bon fonctionnement cérébral.



J-P. Escande, cité par Pr Cyrus Irampour, 2013. Postface de Votre corps a une mémoire, de Myriam Brousse, Paris : Marabout, Poche, page 176.

Llinas, Rodolpho, 2007. Enter the “I of the vortex” with neuroscientist, interview with Rodolpho Llinas, TSN, April 17, 2007. http://thesciencenetwork.org/programs/the-science-studio/enter-the-i-of-the-vortex, consulté le 16.12.2013.