Anne-Lise Polo, PhD., chercheure en sciences humaines spécialisée sur les rapports identité-altérité, a enseigné l'histoire et la science politique dans différentes universités du Québec.
Auteur de La Nef marrane, et d'articles de philosophie, elle a orienté ses recherches dans le domaine de la réduction du handicap suite à la naissance de sa fille en 2002 atteinte de paralysie cérébrale grave. Elle travaille comme neurothérapeute depuis 2005.
(Sapiens N°13, PP. 72-89)
Dans Sapiens N°12, Anne-Lise Polo a pu développer une critique de la pensée scientifique - ses apports et ses limites. Depuis Descartes, dit-elle, on croit « que le monde peut être décrit objectivement. La dualité entre le sujet et l’objet devient un idéal scientifique. Le principe de la science, son principe objectif, est d’isoler un objet et d’effectuer différentes expérimentations sur lui ». S’agissant de la médecine occidentale moderne, elle notait que « (…) comme toute science, (elle) sépare le sujet et l’objet, le praticien et son patient. Le gros problème en l’occurrence c’est que le patient est un sujet lui aussi. Et comme toutes les sciences humaines, et plus que les autres, la médecine est confrontée constamment à ce retour du sujet. Elle instaure donc, de façon inconsciente le plus souvent, un rapport hiérarchique entre le sujet/médecin et le sujet/patient. D’un côté celui qui sait, de l’autre celui qui ignore. Entre les deux, il y a la maladie, car le médecin n’étudie pas vraiment les patients, toujours interchangeables, jamais les mêmes qui défilent dans son cabinet, dans son service hospitalier. Il étudie des symptômes. La médecine est la science des maladies. Elle ne s’occupe pas vraiment des êtres humains ». L’ancrage de la médecine dans la pensée moderne a conduit la médecine à traiter les patients « comme des objets qui sont sans doute plus précieux que nos voitures, mais d’une façon qui n’est pas fondamentalement différente. Distribuant les prescriptions et les arrêts de travail comme les mécaniciens en charge du contrôle technique de nos véhicules ». Fâcheuse conséquence, « la médecine perd de vue la santé dans la mesure où elle divise les patients en parties séparées les unes des autres et faisant l’objet chacune d’une spécialisation. L’objectivité de la médecine est donc l’une des conséquences une fois encore d’un modèle qui sépare, segmente et connaissant très bien une partie, méconnaît grandement le tout ».
Selon elle, la science nous a « amputé d’une part de nous-mêmes, nous enchaînant à la logique productiviste de la société moderne qui nous prive de nos libertés essentielles et place le bonheur individuel dans notre capacité de consommer les produits qu’elle nous demande de fabriquer », selon une logique du « comment » excluant le « pourquoi » dans un monde privé de sens ». Le seul sens possible est l’ainsi de suite économique qui fait des humains des individus sélectionnés par le biais de l’éducation en fonction de leur capacité à prendre leur place dans la division du travail social. Dans ce système qui « nous fabrique, nous façonne, nous traite comme n’importe quel produit industriel », où les élites sont sélectionnées sur leur capacité logique et mémorielle afin d’assurer la pérennité du système, les médecins se voient chargés du bon fonctionnement des humains dans la machine de production. Pour Anne-Lise Polo, cette vision du monde est devenue obsolète et condamnée à disparaître. « Nous sommes à l’aube d’une mutation, dit-elle, où la médecine conventionnelle est en train de perdre son monopole. » A l’image de la révolution scientifique causée par la physique quantique, de nouveaux paradigmes médicaux émergent et nous imposent de réviser les fondements mêmes de nos croyances scientifiques. La physique quantique « semble nous ramener vers des sagesses ancestrales », vers « une conception du monde et de notre appartenance au monde que la modernité a réfutée comme une croyance inutile et nuisible ». La médecine croit avoir réponse à tout en critiquant les approches médicales non scientifiquement fondées, imposant la généralisation et les statistiques comme un modèle de vérité. Et si elle se trompait, s’interroge Anne-Lise Polo, si guérir était un art et non une science ? Nous avons voulu savoir, partant de cette critique solide et documentée de la situation actuelle, quelle proposition positive apporte Anne-Lise Polo avec sa pratique de la neurothérapie : quelles sont ses démarches expérimentales originales, quelle est son expérience personnelle et quasi artistique de la rééducation, une démarche qui n’a pas de véritable fondement scientifique et veut éviter d’en avoir. L’idée étant d’opposer science et conscience, technique et art. La Rédaction.
Sapiens : Anne-Lise Polo, vous êtes en
France depuis six ans, vous avez quitté
l’Université du Québec à Montréal où vous
enseigniez la philosophie politique, pour
ouvrir un cabinet de Neurothérapeute à
Annecy. Pouvez-vous nous expliquer ce
qui vous a conduit à cette reconversion
professionnelle ?
ALP : Il ne s’agit que d’une reconversion
apparente. Avec le recul, je réalise que ma voie
professionnelle est toujours la même depuis que
j’ai décidé de « sortir » du moule académique
dans lequel j’ai été « programmée » par l’école
française. Baccalauréat scientifique, classe de
Maths-sup dans un grand lycée parisien, je me
trouvais, à dix-huit ans, destinée à préparer
les concours des grandes écoles lorsque je
prends soudain conscience que la société est
en train de décider pour moi de mon avenir,
de ma place et de mon rôle dans la société.
Cette prise de conscience va me conduire à
m’orienter vers les sciences humaines, je vais
faire une maîtrise en histoire à Paris, puis à
quitter la France pour la Tunisie dans le cadre
de mon D.E.A, j’irai ensuite au Canada pour
faire un doctorat en science politique. Sous
l’influence de mon directeur de thèse, Thierry
Hentsch, je me tourne vers la philosophie. C’est
à travers la lecture de Platon que je réalise que
je suis, sans le savoir et sans en avoir vraiment
conscience, la voie de la philosophie, au sens
propre du terme, c’est-à-dire comme voie vers
la sagesse. Mais comme le disait Platon, on ne
peut prétendre être philosophe qu’à partir de
55 ans, âge vénérable que je n’ai pas encore
atteint, mais, patience, je touche bientôt au
but ! De ce fait, à l’image de Socrate, je me
voue au travail de sage-femme, c’est-à-dire
que je contribue à accoucher des âmes. C’est dans cet esprit que j’ai enseigné au Québec et c’est encore ce que je fais aujourd’hui en tant que Neurothérapeute.
Sapiens : Mais qu’est-ce que la neurothérapie exactement ?
ALP : Une discipline à inventer ! Quand j’ai ouvert mon cabinet à Annecy, je ne savais pas très bien comment qualifier mon approche. Je ne rentrai dans aucune des catégories de l’URSAFF. Dans les faits, je fais de l’éducation ou de la ré-éducation cérébrale. J’ai donc choisi ce terme de neurothérapeute qui dit parfaitement ce que je fais : je soigne les neurones, je répare des cerveaux…
Sapiens : Vous avez une fille atteinte d’un grave handicap cérébral, est-ce que c’est elle qui vous a conduit à devenir thérapeute ?
ALP : Oui et non. Je dirais qu’en tant que chercheuse spécialiste du rapport entre soi et l’autre, la venue au monde de ma fille m’a poussé à orienter mes réflexions sur le handicap, sur notre rapport aux autres handicapés, un aspect de l’altérité que je n’avais pas encore étudié, mais dans les faits, je ne sortais pas vraiment de mon champ de recherche. Accueillir Lucie dans ma vie n’a pas été compliqué, et bien que j’ai pris des longues pauses dans ma vie professionnelle à deux reprises pour pouvoir m’occuper d’elle à temps plein, je n’ai pas pour autant remis en question ma carrière universitaire. Ce n’est donc pas tant Lucie qui me conduit à devenir thérapeute, c’est plutôt l’incapacité de la médecine à proposer des solutions pour elle qui m’y pousse. Lucie me confronte rapidement aux limites de la médecine moderne et à ses aberrations.
Sapiens : C’est-à-dire ?
ALP : La naissance de Lucie soulève des questions classiques qui se posent à la médecine hospitalière. J’ai un fils Pierre, qui a 2 ans de plus que sa soeur. J’avais détesté mon accouchement à l’hôpital et prévu de mettre Lucie au monde dans une maison de naissance, avec des sages-femmes. J’ai finalement été hospitalisée parce qu’on soupçonnait un décollement placentaire prématuré. Dès le départ, la question se pose de savoir pourquoi on a provoqué un accouchement par voies basses alors qu’il y avait suspicion de décollement placentaire, ensuite celle de savoir pourquoi on a tant attendu pour faire la césarienne alors que je perdais du sang et que le coeur du bébé s’arrêtait à chaque contraction. L’infirmière a d’abord fait venir des internes, ce qui a pris un certain temps, ensuite les internes ont appelé le médecin qui a décidé de faire une césarienne d’urgence. Entre le premier arrêt cardiaque de Lucie et sa naissance par césarienne, il s’est passé 45 minutes… Lucie est née vide de sang, elle a fait une hémorragie complète dans le placenta qui est sorti le premier quand le médecin m’a ouvert le ventre. La jeune interne qui a pris la réanimation en charge s’est manifestement acharnée sur
Lucie, c’était l’avis des infirmières qui étaient
présentes. Elle n’a pas respecté les protocoles
et en quelque sorte, on peut considérer qu’elle
a obligé Lucie à vivre alors que la gravité de
l’anoxie ne laissait aucun doute sur l’étendue
des dommages cérébraux. Il a fallu 25 minutes
pour obtenir le pouls ! Je pense que l’un des
grands problèmes de la médecine moderne,
c’est son rapport problématique à la mort. Il
faudrait écrire tout un livre là-dessus. D’ailleurs
cette jeune interne, je ne l’ai jamais vue, elle
n’est jamais venue nous voir, je ne pense pas
qu’elle soit allée voir Lucie aux soins intensifs
non plus. Je ne suis pas certaine qu’elle était
fière d’elle-même après coup. Toujours est-il
que les dommages cérébraux causés par sa
naissance dramatique condamnaient Lucie à
rester neurovégétative. J’ai commencé à me
former quand Lucie avait à peu près trois ans,
parce qu’à mes yeux, ce que me proposait
la médecine moderne en terme de prise en
charge après la naissance, n’avait aucun sens et
contribuait surtout à l’endommager plus qu’à
la réparer. Si la médecine avait eu un impact
positif sur Lucie, je n’aurai jamais entrepris
de la soigner moi-même.
Sapiens : En quoi la médecine a-t-elle échoué
avec Lucie puisque celle-ci était condamnée
à rester neurovégétative ?
ALP : Justement, la médecine pose un pronostic
et impose une réalité comme quelque chose
d’inévitable. Dans une certaine mesure, et
c’est le cas avec Lucie, la médecine fabrique
elle-même des personnes handicapées et des
personnes malades ! Lucie a fait un chaos cérébral
à l’âge de 5 mois (hypsarythmie) résistant
aux médicaments. Alors que la neurologue en
était réduite à me suggérer une hospitalisation
de deux semaines pour administrer des doses
massives de corticoïdes en intraveineuse, je
vais voir un ami de ma mère qui est fasciathérapeute.
Il a guéri Lucie en deux séances en
posant ses mains sur sa tête. C’est ma toute
première expérience avec la médecine « énergétique
». Par la suite, Lucie a fait des crises
d’épilepsie, rares, mais violentes et prolongées.
Là encore la médication s’est avérée peu efficace
et surtout dangereuse. Lors de sa première
hospitalisation en urgence, on lui a administré
des doses de drogues tellement élevées que
la neurologue qui l’a vue une semaine plus
tard s’est demandée comment le coeur avait
tenu… Ça m’a refroidie. Après l’insuccès de
plusieurs traitements antiépileptiques qui ont
contribué à la rendre malade sans contrôler
l’épilepsie, Lucie est passé à l’homéopathie,
avec une prescription de valium à administrer
en cas de crise prolongée. Dans les faits,
je ne lui en ai donné qu’une seule fois. La
médecine classique est symptomatique, elle
tente d’effacer les symptômes tout en ignorant
les causes. C’est particulièrement vrai
avec l’épilepsie qui est une maladie dont on
ignore les causes et qu’on ne guérit pas. Les
malades se trouvent en général sous traitement
à vie. Pour la médecine classique, il n’y a pas
vraiment de solution pour les enfants atteints
de paralysie cérébrale. La prise en charge est
essentiellement palliative, c’est-à-dire qu’on
essaie de contrôler des conséquences du
handicap cérébral, sans jamais travailler sur la
cause elle-même. C’est ce que j’ai compris en
regardant les thérapeutes travailler avec Lucie.
Sapiens : Vous voulez dire qu’on peut faire
différemment ? Les lésions cérébrales ne
sont-elles pas irréversibles ? Ce que vous
faites répare réellement des cerveaux ?
ALP : Mon travail de thérapeute est à l’opposé
des approches conventionnelles. J’ai mis très
longtemps à comprendre pourquoi on ne
travaillait pas sur le problème cérébral de Lucie
mais seulement sur les conséquences de son
état. En fait, l’idée même de plasticité cérébrale
est ignorée. Donc on ignore le cerveau, ses
besoins et son fonctionnement en thérapie. On
dénie aussi souvent aux enfants handicapés
le statut de sujet et même d’êtres humains à
part entière. La neurologue regardait Lucie
essentiellement à travers son EEG. Le jour où
elle a cessé de nous prescrire des médicaments,
elle nous a donné congé. Les enfants comme
Lucie sont des objets qu’on essaie de réparer,
par la chirurgie, les orthèses, les prothèses,
les stations debout etc… Presque toutes les
approches rééducatives classiques, kinésithérapie,
ergothérapie, orthoptie, orthophonie,
travaillent sur le mouvement et sa rééducation,
mais toutes ses approches le font en passant
par la conscience et la volonté. En gros, elles
tentent de faire apprendre aux patients des
gestes appropriés en passant par le lobe frontal
et le cortex. Elles rééduquent la motricité volontaire.
Selon moi, c’est un gros problème et ça
ne permet pas de guérir les gens, seulement
de contourner des handicaps cérébraux. J’ai
compris cela en les regardant travailler avec
Lucie. Bébé, la kinésithérapeute s’efforçait de
lui « apprendre » à s’asseoir en passant de la
position ventrale à la position assise. Lucie ne
tenait pas sa tête, n’ouvrait pas ses mains, était
incapable de prendre appui sur ses bras. Ces
tentatives sont absurdes et vouées à l’échec.
Lucie n’avait pas les prérequis pour s’asseoir
seule, la verticalisation forcée a eu des effets
déplorables sur sa structure squelettique.
L’ergothérapeute travaillait dans le même
esprit, elle essayait d’apprendre à Lucie à tenir
une cuillère et à la porter à sa bouche. Tout
ce qu’elle a obtenu c’est que Lucie développe
des défenses tactiles dès qu’on lui touchait les
mains. Pire encore quand les thérapeutes lui
tiraient sur les jambes ou les bras par peur qu’elle ne devienne spastique, elles faisaient mal à Lucie et obtenaient surtout de celle-ci qu’elle se contracte en opposition à l’étirement. Selon moi, cela a favorisé le développement de la spasticité de ma fille plus qu’autre chose. Aujourd’hui les recherches démontrent que les thérapies fondées sur les mobilisations passives et les étirements ne servent à rien et font mal. En tant que chercheuse, je ne pouvais rester impassible face à une prise en charge qui me semblait infondée et aberrante. En tant que maman, c’était tout simplement insupportable : Lucie passait ses thérapies à refuser de collaborer, à pleurer ou à crier. J’ai donc cherché des approches non invasives fondées sur la plasticité cérébrale et sur les étapes du développement neurologique et je me suis formée. En accord avec l’équipe médicale, nous avons cessé les thérapies conventionnelles et mis en place des séances quotidiennes que j’appliquais moi-même. Lucie a pris plaisir à ses thérapies, elle a cessé de s’abîmer et a commencé à se développer. La neurologue a fini par me dire que Lucie lui donnait à réfléchir, qu’elle faisait mentir les statistiques.
Sapiens : Concrètement, qu’est-ce que vous avez fait ? Comment rééduquez-vous le cerveau ?
ALP : On ne peut pas rééduquer le mouvement
volontaire sans respecter l’ordre d’engrammation cérébrale normale de la motricité, ces règles et ses étapes. Le bébé vient au monde avec un programme inné de mouvements qui vont brancher son cerveau et lui permettre de faire l’expérience de son corps, sur la base du principe action-réaction, stimulation sensorielle-réponse motrice qui vont permettre l’apparition progressive du mouvement volontaire. On peut dire qu’un bébé n’a pas de conscience de lui-même et que la conscience se développe avec sa connaissance de son corps. Le cortex va se développer après tout un processus de connexions cérébrales fondamentales qui engage les zones subcorticales, en particulier le tronc cérébral et le diencéphale sans oublier le système limbique qui gère les émotions. Nous savons tous aujourd’hui qu’un bébé se développe mieux s’il est aimé, caressé, en sécurité et s’il est en bonne santé. En gros, ça prend trois ans pour construire les bases et ça se peaufine pendant les quatre années suivantes. A sept ans, on peut considérer que tout est en place et il ne reste à l’enfant qu’à grandir et mûrir. Mes toutes premières formations en rééducation neurosensorielle passaient par les stades d’apprentissage de la motricité de l’enfant, les réflexes infantiles et posturaux, les étapes de la motricité volontaire, la roulade, le rampé, le passage en position verticale, assise, debout, la marche à quatre pattes et finalement la marche debout. Une grande place est faite à la motricité fine, soit
les mouvements des mains, de la langue et des
yeux. Ces approches ont permis de sortir Lucie
de l’impasse développementale dans laquelle
la médecine l’a enfermée bébé. Avec le recul,
je réalise que tout ce qui a été fait durant
les premières années, alors que la plasticité
cérébrale était à son maximum, étaient vraiment
à l’opposé de ce qu’il fallait faire. A mes
yeux de maman, ça ne faisait aucun sens, à
mes yeux de thérapeute, c’est une aberration.
Les rééducations classiques ignorent tout du
fonctionnement cérébral, elles sont agressives,
douloureuses, inutiles et contre-productives.
La seule chose qu’elles produisent vraiment,
c’est des stratégies de défense, de lutte, de fuite
et de protection de l’enfant. Pour un enfant
atteint de paralysie cérébrale comme Lucie,
ce que fait le thérapeute c’est trop souvent
sur-activer le réflexe de paralysie par la peur
qui fige l’enfant : pupilles dilatée, blocage
respiratoire, arrêt des fonctions motrices et
digestives. Bref, le réflexe de paralysie par la
peur qui consiste à se transformer en pierre
ou à faire le mort, est de toutes les réactions de
survie, la pire. Parce qu’on peut effectivement
en mourir par arrêt cardiaque. Selon moi, la
paralysie, le développement de la spasticité
chez un enfant lésé cérébralement provient
d’une sur-activation du réflexe de paralysie
par la peur qui empêche le développement
et l’intégration des autres réflexes primaires
comme le moro, le réflexe asymétrique du
cou etc. qui à leur tour préparent l’acquisition
des habiletés motrices volontaires. On sait
aujourd’hui qu’on ne peut pas rééduquer, ni
éduquer d’ailleurs, un enfant qui a peur ou
se sent menacé, qui active donc son système
de protection naturel, se prépare à fuir ou à
combattre.
Sapiens : Lucie était condamnée à être
neurovégétative. Quels résultats avez-vous
obtenu avec votre approche ?
ALP : Lucie a cessé de se détériorer sur le plan
orthopédique dès que j’ai commencé les prises
en charge moi-même. Je n’ai pas pu réparer
les luxations et la spasticité consécutives aux
thérapies conventionnelles. A 3 ans, Lucie avait
les pieds luxés, une hanche luxée, un important
flexum des genoux avec rétrécissements
des ischio-jambiers. Il restait la chirurgie,
mais compte tenu de son état, l’orthopédiste
nous a conduit à renoncer à une opération
qui aurait pris plus de 10 heures et n’aurait
pas eu d’effet sur le long terme car il traitait
les conséquences de la spasticité et non ses
causes. Lucie ne marchera jamais mais elle a
pu acquérir une certaine autonomie avec mes
approches, elle a appris à rouler, ramper et à
5 ans, elle pouvait pousser son fauteuil. Elle
tient relativement bien en position assise et
n’a jamais développé de scoliose, ce qui en soit
est déjà remarquable. C’est sur le plan sensoriel
que j’ai obtenu les meilleurs résultats. Le
diagnostic de cécité corticale a dû être retiré.
Bien qu’elle utilise uniquement sa vision de
survie, c’est-à-dire la vision périphérique,
j’ai pu lui apprendre à lire et à communiquer
en pointant des mots étiquettes. Le travail de
rééducation orale a aussi été très important.
J’ai pu allaiter Lucie, ce qui lui a permis de
bien développer ses fonctions préorales que
j’ai retravaillées ensuite longuement avec la
méthode Padovan. Lucie a commencé à parler,
dire des mots, faire quelques phrases. Elle a
toujours eu un excellent système immunitaire,
une excellente digestion, n’a jamais eu
de problèmes pulmonaires qui sont le lot des
enfants comme elle pour lesquels on a largement
recours à l’alimentation entérale faute
de rééduquer les fonctions orales. Le plus
spectaculaire c’est sans doute le développement
de son intelligence et de ses capacités
d’apprentissage cognitif. Lucie est surdouée
en maths, en langues étrangères, et elle a une
mémoire prodigieuse. Nous sommes loin du
diagnostic de déficience intellectuelle profonde
qui a été posé avant ma prise en charge.
Sapiens : Comment expliquez-vous les résultats obtenus ?
ALP : Je pense qu’une grande partie de l’efficacité de mon travail de rééducation s’explique par la stimulation des nerfs crâniens. Les recherches actuelles tendent à démontrer que la stimulation de la vision par l’EMDR par exemple permet de régler des traumatismes ou des dépressions. La stimulation auditive a été utilisée aussi avec succès par Tomatis et a permis d’aider des personnes atteintes de troubles d’apprentissage par exemple. La réorganisation des fonctions orales par la méthode Padovan a joué le même rôle au Brésil et au Canada. Il existe un système de stimulation électrique de la langue aux États-Unis qui donne aussi des résultats encourageants. En ce qui me concerne, je ne me restreins pas à un seul sens, mais je les travaille tous. Dix des douze paires de nerfs crâniens transmettent les informations sensorielles au tronc cérébral, une zone qui est composée d’un nombre important de neurones qui vont transmettre l’information au cortex. Les nerf olfactifs et visuels sont quant à eux reliés au système limbique et au thalamus. La stimulation des paires crâniennes est donc essentielle en rééducation et suit en cela le processus physiologique naturel d’engrammation cérébrale. Dans son développement neurologique, le bébé apprend d’abord à contrôler sa tête qui est la zone d’information par excellence. Le cerveau
est informé par les voies sensorielles d’abord, il est donc normal pour le réparer de commencer par travailler les voies sensorielles. En thérapie classique, quand on travaille avec la volonté et la conscience, on stimule uniquement le cortex frontal et on essaie de contrôler des dysfonctionnements sub-corticaux. C’est absurde du point de vue du fonctionnement cérébral. Il faut au contraire stimuler directement des zones du diencéphale, du tronc cérébral pour libérer le cortex et lui permettre de se consacrer aux taches qui sont les siennes. Il ne sert à rien de dire à un enfant hyperactif d’arrêter de bouger, ou à un enfant qui marche sur la pointe des pieds de poser les talons. Le contrôle cortical va pouvoir s’exercer quelques minutes pour permettre à l’enfant effectivement de cesser de bouger ou de marcher normalement, mais dès que le cortex se tourne vers ses taches habituelles, les pathologies reviennent. J’ai de nombreux patients qui ont fait de l’orthoptie, qui ont compris que les mouvements des yeux doivent être dissociés des mouvements de la tête et qui pour y parvenir exercent un contrôle cortical durant les tests pour évaluer leur poursuite oculaire. La plupart du temps, ces patients cessent de respirer pendant l’exercice… Demandez-leur de respirer pendant l’exercice et immédiatement vous avez la tête qui tourne avec les yeux… Le contrôle cortical masque les symptômes, il ne les règle pas.
Sapiens : Mais du coup, comment faite-vous
pour ne pas passer par la conscience et la
volonté en thérapie ?
ALP : Une grande partie de ma thérapie passe
par des massages, une stimulation de certains
points par acupressions. Je travaille sur les
réflexes, comme le réflexe de la pupille, le
réflexe de déglutition, le réflexe de vomissement,
la stimulation par les sons, par la musique
ou par des vibrations, je stimule le système
vestibulaire par des mouvements passifs de la
tête. Dans les faits, la plus grande partie de la
thérapie se déroule dans le plus total abandon
et les patients s’endorment ! Le cortex frontal
se débranche de lui-même pour me laisser
travailler sur les zones subcorticales.
Sapiens : Vous voulez dire que pour l’essentiel,
la rééducation se fait sur des personnes
endormies ?
ALP : Oui absolument, et c’est même là que
j’obtiens les résultats les plus rapides.
Sapiens : Comment faites-vous pour qu’ils
s’endorment ?
ALP : Je l’ai dit tout à l’heure à propos des
bébés. L’amour, le sentiment de sécurité, l’absence
de douleur sont fondamentales pour le
développement cérébral optimal des enfants.
Il y a un neurologue anglais dont j’ai oublié le
nom qui a utilisé la métaphore du feu de circulation
pour parler des trois états du cerveau :
le feu rouge, en situation de grand danger, le
réflexe de paralysie par la peur s’active et fige
le corps, j’en ai parlé plus tôt. Le second état
est celui du feu orange, en situation de danger
potentiel, le cerveau est en état de grande vigilance,
se prépare à se battre ou à fuir. En fait,
dans une telle situation, on active le système
sympathique. Le système digestif se met en
berne, le rythme cardiaque et respiratoire
augmente, on produit de l’adrénaline pour
préparer les muscles à réagir. Le troisième état
survient quand l’environnement est sécuritaire,
le système parasympathique est activé, les
rythmes cardiaque et respiratoire sont lents,
les muscles sont détendus, le sang afflue vers
le cerveau qui produit de la sérotonine et de la
dopamine, hormones du plaisir, du bien-être et
des apprentissages. C’est dans cet état qu’on
peut travailler sur le système nerveux central.
On ne peut pas rééduquer des personnes
atteintes sur le plan cérébral si on ne leur
permet pas de se détendre, de se sentir en
sécurité, voire de se sentir aimé. La première
étape du travail consiste donc à désactiver le
système sympathique pour passer en mode
parasympathique. La thérapie commence
donc par des exercices respiratoires et des
pressions profondes. La plupart du temps, les
patients s’endorment. Je peux alors travailler
sur le corps et les nerfs spinaux. Là encore, je
ne travaille pas sur le mouvement volontaire,
mais l’intégration sensorielle, les réflexes infantiles,
les réflexes de protection, les réflexes des
pieds et des mains, je masse, je fais circuler
le sang, je transmets de l’information, bref, je
rebranche le corps à l’encéphale.
Sapiens : Dans votre article vous faites référence
à la médecine chinoise traditionnelle.
En quoi cette approche médicale est-elle
pertinente pour la rééducation cérébrale ?
ALP : J’ai été formée en neurothérapie au
Canada et aux États-Unis et j’ai entrepris mes
études de médecine chinoise en arrivant en
France, il y a 6 ans. Je me suis donc tournée
tardivement vers la médecine chinoise traditionnelle
et je l’ai intégrée à mon approche
de rééducation cérébrale. Pour l’essentiel,
mon travail d’intégration sensori-motrice
permet de refaire des connexions cérébrales
en stimulant le système nerveux périphérique
somatique, c’est-à-dire tout ce qui concerne le
mouvement et la posture. Grâce à la médecine
chinoise, je peux désormais travailler aussi sur
le système nerveux périphérique autonome
et je devrais même dire surtout. Le cerveau
consomme 30 % de l’énergie issue de notre
alimentation. Il y a des neurones dans l’intestin
et aussi dans le coeur. Le cerveau doit
être correctement alimenté, correctement
oxygéné, et il doit dormir pour aller bien.
La médecine chinoise qui traite de ces bons
fonctionnements physiologiques est donc le
préalable pour moi à la rééducation cérébrale
proprement dite. Beaucoup de problèmes de
concentration et de troubles de la mémoire
des enfants que je traite sont en fait liés à des
troubles digestifs et au fait que le sang est mal
nourri, en MTC on parle de vide de Qi de la rate
ou de vide de sang du foie. De la même façon,
la grande majorité des enfants hyperactifs
sont atteints par des syndromes de feu, du
foie ou du coeur. Le grand avantage d’intégrer
la médecine chinoise à mes approches, c’est
qu’elle me permet de comprendre les dysfonctionnements
cérébraux dans un cadre global
comme une désorganisation physiologique et
d’en déterminer la cause initiale. C’est donc à
toute fin pratique un préalable. Il suffit parfois
de ré-harmoniser les fonctions physiologiques
pour que tout rentre dans l’ordre et les troubles
disparaissent. Grâce à la médecine chinoise, je
parviens à régler des dysfonctionnements que
la médecine occidentale ne guérit pas. Souvent
les parents viennent me voir en dernier recourt
parce que le reste n’a pas marché.
Sapiens : Pouvez-vous nous donner des
exemples de guérison que vous avez
obtenue ?
ALP : Au sens propre du terme, guérir signifie
soigner une maladie. Globalement, je ne traite
pas des maladies, mais seulement des dysfonctionnements qui impliquent des troubles cérébraux. Je vois des enfants qui souffrent de dyslexie, de troubles de l’attention, d’hyperactivité, de troubles du comportement etc... Au terme de la thérapie, les troubles ont disparu et ne reviennent pas. C’est plus compliqué avec les enfants atteints de paralysie cérébrale ou les autistes, mais on voit des progrès importants en thérapie qui surprennent les neurologues. A proprement parler, je peux dire que j’ai guéri Lucie de son épilepsie il y a quelques années, grâce à la médecine chinoise traditionnelle, alors que j’étais encore en formation. Cette guérison a été spectaculaire et m’a définitivement convertie à la MTC.
Sapiens : Comment expliquez-vous ce succès ?
ALP : La chance du débutant !!! Non, sans rire, je ne crois pas à la chance. Je crois à la connaissance. Je suis chercheuse et je consacre beaucoup de temps à essayer de comprendre les causes des problèmes. Parfois, cela demande des investigations importantes. En fait, j’ai trouvé un protocole par hasard (je ne crois pas non plus au hasard), en faisant des recherches pour un de mes patients qui marchait sur la pointe des pieds. J’ai compris pourquoi les crises de Lucie survenaient au réveil à 5 h du matin. Ça a fait Eurêka dans ma tête, j’ai sélectionné trois points particuliers et je les ai travaillés par acupression tous les jours pendant un mois. Ça a marché. Je l’ai guérie. Elle n’a plus jamais fait de crises depuis et son EEG ne présente pas de trace d’épilepsie.
Sapiens : Avez-vous pu généraliser cette expérience ? Les médecins vous diraient que votre travail n’est pas fondé scientifiquement.
ALP : Absolument, l’un des médecins traitant
de Lucie m’a reproché justement d’appliquer
des thérapies très éloignées de l’Evidence-Base
Medecine ! Mais j’avais le soutien de la neurologue
pour essayer cette approche et ce qui
compte pour moi, c’est que ça a marché pour
Lucie. Bien entendu, ce n’est pas une approche
généralisable. Ça n’est pas scientifique. Ce
protocole précis est inutile pour les autres
patients. Il correspondait parfaitement à la
pathologie de Lucie, mais pas du tout à celle
d’autres épileptiques. Pour moi, le problème de
l’épilepsie n’est pas neurologique, la cause est
ailleurs, dans le fonctionnement physiologique
en amont du cerveau. Ça peut-être un problème
digestif, respiratoire, sanguin. Tout dépend.
J’ai guéri deux autres enfants de l’épilepsie
depuis la guérison de Lucie, mais avec des
protocoles différents. Je suis plusieurs autres
enfants atteints d’épilepsie, les améliorations
sont notables, mais je ne les ai pas guéris. Il
faut s’adapter à chaque patient, apprendre
à le connaître aussi bien que possible pour
comprendre la cause fondamentale de son
problème de santé. Cela, la médecine chinoise
s’efforce de le faire. Pas la médecine occidentale.
Pour elle, il n’y a que des maladies et la
difficulté consiste à trouver le bon médicament
pour telle maladie, c’est valable donc pour tous
les patients atteints de la même maladie. C’est
simple, c’est scientifique, c’est statistiquement
fondé. Oui mais quand ça ne guérit pas les
malades ? Quand on est face à des maladies
pharmaco-résistantes ? La science est très
pratique, mais n’a pas réponse à tout. Pour
moi, la question fondamentale est pourquoi
les gens sont-ils malades ? C’est la question
que se pose la médecine chinoise et à laquelle
elle tente de répondre. C’est pour ça que pour
moi guérir est un art et non une science.
Sapiens : Dans votre article, vous établissez
un parallèle entre la médecine chinoise et
la physique quantique. Quel est l’avenir
selon vous des approches énergétiques ?
ALP : Je pense que nous sommes en train de
vivre une période marquée par un changement
de paradigme. La médecine occidentale ne
croit que ce qu’elle voit. C’est une médecine
de l’observation, de la mesure. Elle opère dans
une conception mécaniste et matérielle du
monde, issue de la révolution copernicienne et
du développement de la physique de Newton.
En tant que philosophe, je suis particulièrement consciente du cadre mental dans lequel s’est construite notre civilisation moderne et du besoin d’en sortir. La révolution quantique m’interpelle personnellement car elle ouvre un nouveau champ de réflexion sur la réalité du monde que la physique mécanique a clos en quelque sorte, clos et figé. C’est cet intérêt qui m’a conduite à me former en Médecine chinoise, et j’avoue que je ne suis pas déçue. Les premières approches de rééducation que j’ai utilisées avec Lucie étaient très mécanistes, travaillaient dans la matière, avec des protocoles fixés et figés. La médecine chinoise, le travail sur les méridiens, sur les points d’acupuncture me permettent aujourd’hui de travailler directement sur l’énergie, sur l’information et de libérer la matière. Elle me permet surtout d’adapter ma pratique à chaque patient, à chaque séance, à chaque instant. Il m’arrive très souvent de partir avec une idée préconçue du travail que je vais faire en commençant une séance. C’est très cérébral, fondé objectivement sur ce qu’on appelle le diagnostic différentiel en médecine chinoise et que je revois à chaque début de séance. Il est important de rester ouvert pour percevoir l’information et pour savoir ce qu’il faut faire au moment où il faut le faire. J’ai totalement cessé d’appliquer des protocoles déterminés une fois pour toute et qu’on applique de façon systématique et mécanique à tout le monde. Appliquer des protocoles systématiques est profondément ennuyeux. Faire les choses de cette façon rend insensible et aveugle. Thierry Hentsch a écrit dans un de ses livres que la civilisation occidentale moderne était comme OEdipe avant sa chute, roi et maître, sans limite, aveugle à son propre aveuglement. Notre fonctionnement dans la société moderne, répétitif, mécaniste, systématique rend idiot au minimum, voire fou comme l’a bien montré Charlie Chaplin dans les Temps Modernes.
Sapiens : Quelle différence observez-vous entre le travail mécanique et une approche énergétique ?
ALP : Travailler sur l’énergie est beaucoup plus efficace, plus rapide et surtout, je pense qu’on touche au plus près les causes. Ce que je commence à comprendre en approfondissant mon travail, c’est que la matière me semble être surtout le reflet des problèmes énergétiques. En fait, il faut comprendre ici la conception
taoïste qui sous-tend la médecine
chinoise et qui rejoint parfaitement
la conception quantique du monde.
Le monde est Un. Il existe une substance,
une essence fondamentale
qui peut prendre différentes formes.
Je l’explique dans l’article que vous
avez publié : Shen, esprit, Qi, énergie,
Jing, matière. Quand vous travaillez
sur des points d’acupuncture ou que
vous massez un méridien, vous faites
circuler le Qi, l’énergie. Vous dénouez
un blocage énergétique, détendez du
même coup un muscle, restaurez la
fonction d’un organe, bref vous transformez
la matière. Tous les organes
sont associés à un aspect de l’esprit,
la conscience est dans le coeur, l’âme
dans le foie, la volonté dans les reins
etc… en soignant les organes, vous
guérissez donc l’esprit. Et le dicton
« un esprit sain dans un corps sain »
prend tout son sens : l’un ne va pas
sans l’autre. La médecine chinoise me
permet de mieux rebrancher le corps
et le cerveau, le travail énergétique est
plus efficace et plus rapide que le travail
mécanique. Je crois que la physique quantique
va nous permettre de mieux comprendre
l’efficacité de la Médecine chinoise, surtout à son niveau le plus ultime qui est le Qi Gong. Ce que nous apprennent les maîtres chinois, c’est que le niveau ultime de la guérison réside dans l’information, que les maladies elles-mêmes sont le résultat d’un problème d’information. C’est un aspect toutefois que la physique quantique n’a pas, selon moi, encore réglé mais que j’expérimente quotidiennement dans les soins.
Sapiens : Que voulez-vous dire ?
ALP : Vous avez-vu la série américaine « Good Doctor » ? C’est un remake d’une série originale coréenne. Je n’ai pas vu la série américaine, mais j’ai regardé la série coréenne. C’est l’histoire d’un jeune autiste interne en chirurgie. Très intéressant sur le plan du rapport à l’autre et au handicap. Il y a une scène qui m’a particulièrement frappée parce qu’elle s’apparente parfaitement à mon travail. Une petite fille arrive à l’hôpital, elle se comporte comme un chien car elle a été enfermée dans un chenil toute son enfance. La stratégie « normale » pour la soigner, c’est de lui sauter dessus à plusieurs, de l’immobiliser pour lui administrer un calmant par intraveineuse sans se faire mordre. Évidemment, notre jeune autiste s’insurge contre de tels traitements. Il voit les choses différemment. Il va obtenir d’être son médecin référant et obtient rapidement qu’elle lui fasse confiance et se laisse traiter. Il utilise avec elle la communication non verbale. Et ça marche. De mon côté, j’ai longtemps travaillé avec les chevaux dans ma jeunesse et suivi une formation avec Klaus Hemfling sur la communication par le corps dans le dressage des chevaux. C’est important de comprendre que notre attitude, notre odeur, nos mouvements sont des informations essentielles pour les personnes que nous sommes censés soigner. Mais il y a plus, et c’est ce que j’ai compris en regardant la série. Le jeune chirurgien dit que le secret est le respect de l’une des règles fondamentales du règne animal : la cohérence cardiaque. Mes patients s’endorment parce que j’active leur nerf vague, mais je peux le faire parce que je suis moi-même en parasympathique. Et je suis beaucoup plus efficace depuis que je pratique le Zhi Neng Qi Gong et la méditation. On ne voit bien qu’avec les yeux du coeur a écrit Saint-Exupéry. C’est ça le secret des approches énergétiques et c’est sans doute là que réside la difficulté, tout est une question de sensibilité, de perméabilité, d’empathie. Le travail du thérapeute ne devient positif qu’à travers la connexion qu’il établit avec son patient. C’est une question de longueur d’ondes, comme deux neurones qui se connectent parce qu’ils vibrent sur la même fréquence.